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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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dimanche 30 avril 2017




De l'onanisme



LE LIVRE SANS TITRE

Dédié Aux Jeunes Gens et aux Pères et Mères de Famille

Auteur anonyme

Paris, 1830




Cette funeste habitude fait mourir plus de jeunes gens que toutes les maladies du monde.

                                                                                                                       TISSOT



À la fin du XVIIIe siècle, les médecins érigent la masturbation en fléau qui met en péril la démographie et l'ordre social. Les politiques répressives vont se succéder pendant plus d'un siècle, avant d'être remplacées par un dérivatif : la culture physique.

Mains ou cuisses liées par des cordes, camisole, ceintures en toile métallique protégeant les parties génitales de tout contact, fourreau pénien agrémenté d'aiguilles, voire injection d'un dérivé de la soude dans l'urètre… Cet arsenal de techniques coercitives n'est qu'une partie des mesures prônées par le corps médical en France au XIXe siècle pour combattre ce qui est considéré comme un fléau : la masturbation.

Cette crainte de la masturbation, née avec les Lumières, perdurera jusqu'au XXe siècle. L'onanisme, accusé par le corps médical de mettre en péril la fécondité de la population et de troubler les rôles sexuels, devient un fléau qu'il faut vaincre à tout prix. Les autorités éducatives et médicales ont beau multiplier au début du XIXe siècle les politiques répressives, elles échouent cependant à endiguer le phénomène. C'est dans cette situation de crise que le courant hygiéniste finira par instaurer, dans la seconde moitié du XIXe siècle, la culture physique comme dérivatif à la masturbation.

Pendant des siècles, la masturbation, bien que condamnée par l'Église, n'a pas directement été l'objet de réprobation. C'est à partir du XVIIIe siècle que son statut est réévalué. L'angoisse de la diminution et de l'affaiblissement de la population, perceptible dans tous les traités philosophiques, médicaux et économiques de l'époque – mais infondée –, modifie la perception des pratiques sexuelles. La masturbation est progressivement considérée non plus comme une habitude licencieuse et moralement condamnable, mais comme une des causes de la dépopulation et comme une véritable maladie qui se répand dans toute l'Europe.

Au milieu du XVIIIe siècle, se développe ainsi une abondante littérature, principalement médicale, qui dépeint en des termes atroces les effets nocifs de cette « perversion solitaire », tant pour la santé du corps que pour celle de l'âme. Si l'Église n'est pas à l'initiative de cette stigmatisation de la masturbation, elle agit cependant main dans la main avec l'ordre médical, avec qui elle partage le souci de la préservation de l'espèce et d'une sexualité exclusivement reproductive. Médecins, directeurs de conscience, éducateurs ou philosophes s'accordent ainsi tous sur la nécessité d'endiguer ce mal qui accable la jeunesse du royaume et menace le peuple français d'épuisement, voire de dégénérescence.

Le traité publié par le médecin suisse Samuel Tissot en 1760, intitulé L'Onanisme : essai sur les maladies produites par la masturbation, inaugure ainsi toute une série d'écrits, mais reste la référence médicale incontournable sur les « pathologies » de la masturbation ; il sera réédité jusqu'au XXe siècle. Selon Samuel Tissot, en se livrant à la masturbation, hommes et femmes se détournent de la reproduction et s'adonnent à un plaisir mortifère, pour eux-mêmes comme pour la nation. La masturbation apporterait à chaque sexe son lot de maladies, comme si ces dernières venaient punir une pratique condamnée par la nature.

L'onanisme attenterait ainsi à la virilité de l'homme. Pour Tissot, il rend les jeunes hommes « pâles, efféminés, engourdis, paresseux, lâches, stupides et même imbéciles ». Les hommes perdent leur vigueur et leur santé : ils maigrissent, se languissent, souffrent de vieillesse prématurée et d'une foule de maux (saignements, incontinence, paralysies, migraines, troubles de la vue, mélancolie, épilepsie, etc.). On est loin de l'expression folklorique selon laquelle la masturbation rend sourd : dans nombre de descriptions cliniques, les médecins vont jusqu'à rapporter des cas mortels. Ils prêtent à la pratique masturbatoire les symptômes correspondant à des infections microbiennes variées. De surcroît, selon les descriptions médicales, le masturbateur porte les stigmates de son vice caché, annonçant de graves troubles de la fonction virile : vésicules sur la verge, flaccidité, impuissance, déformation des organes génitaux, spermatorrhée (écoulement incontrôlé de sperme) ou stérilité.

Toutefois, aux yeux des médecins, l'une des conséquences les plus préoccupantes de la masturbation est que les onanistes se détournent des femmes. Autant un séducteur est excusable, autant un masturbateur est condamnable. Comme l'écrit Tissot, il faut être « infiniment plus porté à excuser celui qui séduit par ce penchant que la nature a gravé dans tous les cœurs, et dont elle se sert pour conserver l'espèce […] que celui qui pèche en violant toutes les lois, en renversant tous les sentiments, toutes les vues de la nature ».

Les hommes ne sont pas les seuls exposés aux « dangers » de la masturbation. La masturbation féminine, auparavant considérée avec une relative indulgence, fait l'objet d'un souci grandissant de la part des médecins. Le danger est que cette pratique les pousse à rechercher la satisfaction sexuelle hors de la finalité de la grossesse. Tissot écrit ainsi que l'onanisme chez les femmes est « un monstre qui renaît chaque jour et auquel les filles s'adonnent avec d'autant plus de confiance qu'il n'en résulte pas de fécondité et que […] l'on n'a pas à recourir à l'avortement ». Cet accès au privilège masculin de la sexualité non reproductive est accusé de « viriliser les femmes ».

Alors que le corps des femmes est traditionnellement considéré comme un corps « lâche, mou et fragile, engorgé par ses humeurs », qui participe au tempérament flegmatique, féminin par excellence, les médecins attribuent aux masturbatrices un tempérament « sanguin, bilieux, vigoureux », c'est-à-dire mâle. Dans la plupart des traités, la masturbatrice est issue des classes populaires ; elle est vigoureuse, rustre et sa moralité est douteuse du fait de sa condition sociale. Quand des jeunes filles de bonne famille sont touchées par le mal, les médecins soupçonnent toujours les domestiques et les préceptrices de les avoir initiées à de tels penchants.

Les médecins sont persuadés que la masturbation altère le corps des femmes, notamment en hypertrophiant le clitoris. « Les femmes ainsi constituées ne conservent presque rien des qualités de leur sexe, et tiennent beaucoup plus de l'homme ; elles ont la taille élevée, les membres vigoureux, la figure hommasse, la voix forte, le ton impérieux, les manières hardies », écrit ainsi le médecin Renauldin à l'article « clitoris » du Dictionnaire des sciences médicales de Panckouke, en 1813. En menaçant la féminité et les qualités afférentes telles la pudeur, la retenue et l'ignorance de ses désirs, la masturbation soustrait le corps des femmes à son rôle dans la perpétuation de l'espèce.

Ainsi, le grand danger de l'onanisme pour la société, c'est qu'il inverse l'ordre des sexes. En rendant les hommes efféminés et les femmes viriles, il menace l'avenir de l'humanité, et en modifiant physiologiquement l'identité des sexes, il bouleverse les privilèges qui y sont associés. Dans le portrait de l'onaniste au bord du précipice, transparaît l'angoisse d'une société pour laquelle le plaisir solitaire figure la fin de l'espèce et le désordre social.

En réponse à ce qu'ils qualifient d'épidémie désastreuse, les médecins entreprennent de lutter contre la masturbation. Les descriptions morbides des effets de l'onanisme participent de fait, en intimidant la population, à la propagande anti-masturbatoire. On fait par exemple lire aux pubères le Livre sans titre, publié dans les années 1840, qui présente en images l'agonie d'un jeune masturbateur.

Par ailleurs, le pouvoir médical en appelle à une surveillance accrue des jeunes hommes et femmes, tandis qu'il élabore des traitements qui vont de la pharmacopée (le bromure) à la chirurgie (l'ablation du clitoris) en passant par la rééducation par la contrainte physique.

Les politiques préventives restant sans grand effet, les médecins finissent par soupçonner au début du XIXe siècle que le mal qu'ils combattent est paradoxalement le produit des institutions éducatives elles-mêmes. Dans les collèges et les pensionnats, la promiscuité, l'ennui et le manque d'exercice physique fournissent un terrain propice au développement de ce « vice », au point que la « contagion » peut devenir générale : « Tous les élèves d'un collège trompaient quelques fois, par une détestable manœuvre, l'ennui que leur inspiraient les leçons […] qu'un très vieux professeur leur faisait en dormant », peut-on lire en 1819, à l'article « Masturbation » du Dictionnaire des sciences médicales. Pour remédier à ce laxisme, l'espace est réorganisé dans les établissements scolaires de telle sorte que les élèves ne puissent plus se soustraire aux regards. Les portes des latrines sont ainsi ajourées, et certaines punitions, tels la retenue individuelle ou l'enfermement aux arrêts, qui laissent l'élève seul avec lui-même, sont supprimées.

Parallèlement, les moyens de coercition physique envisagés par le corps médical sont de plus en plus durs, allant jusqu'à la brûlure de l'urètre à la soude. Si pour les fils et filles de familles bourgeoises, les camisoles et les fourreaux bardés de pointes sont préconisés, ils sont cependant exclus dans les établissements scolaires, où l'adolescent ainsi harnaché ferait l'objet des quolibets de ses camarades. 

L'obsession de la surveillance qui transpire dans les textes des médecins témoigne cependant de leur incapacité à endiguer le phénomène. La masturbation prospère malgré la surveillance et défie les institutions disciplinaires : « La masturbation, malgré son étymologie, peut être pratiquée […] sans le secours des mains. Cette possibilité a permis à des jeunes garçons et à des jeunes filles de tromper […] la vigilance la plus attentive, bien qu'ils se livrassent à leur déplorable attitude, même en classe […], ou dans un salon au milieu de leur famille. Opérant par des pressions […], ils n'exécutent presque aucun mouvement : ils peuvent donc être habillés, assis, avoir les mains libres, paraître attentifs à une conversation […], et cependant procéder à l'onanisme », avoue le docteur Deslandes, insatiable inventeur des techniques antimasturbatoires les plus violentes, dans son traité De l'onanisme et des autres abus vénériens considérés dans leurs rapports avec la santé publié en 1835.

(source : Pour la science)

































































Il était jeune, beau, il fesait l'espoir de sa mère...





































La lente agonie





Il s'est corrompu !... bientôt il porte la peine de sa faute, vieux avant l'age... son dos se courbe...






Un feu dévorant embrâse ses entrailles; il souffre d'horribles douleurs d'estomac...






Voyez ces yeux naguères si purs, si brillants; ils sont éteints ! une bande de feu les entoure.






Il ne peut plus marcher... ses jambes fléchissent...






Des songes affreux agitent son sommeil...... il ne peut dormir....






Ses dents se gâtent et tombent....






Sa poitrine s'enflamme.... il crache le sang ...






Ses cheveux, si beaux, tombent comme dans la vieillesse; sa tête se dépouille avant l'age ....






Il a faim; il veut apaiser sa faim; les aliments ne peuvent séjourner dans son estomac ....






Sa poitrine s'affaisse.... il vômit le sang....






Tout son corps se couvre de pustules... il est horrible à voir !






Une fièvre lente le consume, il languit : tout son corps brule ...






Tout son corps se roidit !... ses membres cessent d'agir ....






Il délire; il se roidit contre la mort; la mort est plus forte....






A 17 ans, il expire, et dans des tourments horribles.






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